13 mai 2022 | Actualité législative

Réforme sur les règles de la médecine du travail et des visites médicales

La loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail (dite « Loi Santé ») transpose l’accord national interprofessionnel conclu le 9 décembre 2020 par les partenaires sociaux.

Elle est entrée en vigueur le 31 mars 2022, après adoption des décrets d’application nécessaires à son entrée en vigueur.

Cette loi introduit plusieurs nouveautés concernant le suivi médical des salariés par les services de santé au travail, renommés « services de prévention et de santé au travail » (SPST), et dont les missions sont élargies (notamment ils contribuent désormais à la réalisation d’objectifs de santé publique). La loi acte également la possibilité de mettre en place suivi médical à distance (par vidéotransmission) avec l’accord préalable du salarié et à la conditions que la confidentialité des échanges soit garantie (nouvel article L.4624-1 II du code du travail et nouveaux articles R.4624-41-1 à R.4624-41-6 du même code relatifs à la « télésanté au travail » introduits par le Décret n°2022-679 du 26 avril 2022).

  1. Les visites de pré-reprise et de reprise par le médecin du travail

Les nouvelles dispositions s’appliquent aux arrêts de travail débutant après le 31 mars 2022 :

  • Visite de pré-reprise(Articles L. 4624-2-4 et R. 4624-29 du Code du travail)
  • le salarié peut en bénéficier en cas d’absence au travail justifiée par une incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident d’une duréede plus de 30 jours (au lieu de 3 mois auparavant) ;
  • cette visite pourra être organisée à l’initiative du salarié, de son médecin traitant, des services médicaux de la caisse d’assurance maladie ou du médecin du travail, si le retour sur le poste de travail est envisagé.

Le médecin du travail a donc été ajouté sur la liste des demandeurs à la visite médicale de pré-reprise.

En revanche, l’employeur ne peut toujours pas demander l’organisation des visites de pré-reprise.

  • l’employeur informe le salarié de la possibilité qui lui est offerte de solliciter auprès du médecin du travail l’organisation de l’examen de pré-reprise. Ce n’était pas le cas auparavant.
  • Les visites de reprise(Articles L.4624-2-3 et R. 4624-31 du code du travail)
  • Accident ou maladie d’origine non-professionnelle : elle est organisée après un arrêt de 60 jours (au lieu de 30 jours auparavant) ;
  • Accident du travail : elle est organisée après 30 jours d’arrêt,
  • Pour les salariées revenant de congé maternité et les salariés victimes d’une maladie professionnelle : il n’y a pas de condition de durée minimum de l’arrêt requise (pas de changement).

Ainsi, quand l’employeur aura eu connaissance de la date de fin de l’arrêt de travail, il saisira le service de prévention et de santé au travail qui organisera l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le salarié, et au plus tard dans un délai de 8 jours suivant cette reprise. 

  1. La visite médicale de mi-carrière (Article L.4624-2-2 nouveau du code du travail)

Ouverte à partir du 31 mars 2022, la visite médicale de mi-carrière est réalisée, à l’initiative de l’employeur, par le médecin du travail (ou par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée qui pourra orienter, si nécessaire, le salarié vers le médecin du travail), à une échéance définie par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile des 45 ans du salarié concerné.

Par exception, la visite de mi-carrière peut cependant être :

–  anticipée si elle est organisée conjointement avec une autre visite médicale, lorsque le salarié a déjà un examen médical programmé deux ans avant l’échéance prévue pour la visite médicale de mi-carrière ;

ou être réalisée dès le retour à l’emploi du travailleur, lorsqu’elle remplit les conditions de l’accord de branche ou, à défaut, qu’il est âgé d’au moins 45 ans.

Cette visite médicale poursuit trois objectifs, l’idée étant d’anticiper les conséquences des éventuelles difficultés du salarié :

  1. Réaliser un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, à date, en tenant compte des expositions aux facteurs de risques auxquels il a été soumis ;
  2. Évaluer les risques de désinsertion professionnelle en prenant en compte l’évolution des capacités du salarié en fonction de son parcours professionnel passé, de son âge et de son état de santé ;
  3. Sensibiliser ce dernier aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

Par « désinsertion professionnelle », il faut comprendre la perte par le travailleur de son activité professionnelle pour des raisons de santé ou de situation de handicap.

Après échange avec l’employeur et le salarié, le médecin du travail peut proposer par écrit les mesures suivantes :

  • Aménagement, adaptation ou transformation du poste de travail ;
  • Aménagement du temps de travail en prenant en compte notamment l’âge et l’état de santé du salarié.
  1. Le rendez-vous de liaison (Articles L. 1226-3-1 ; L.4624-2-3 et L.4624-26 4 et D.1226-8-1 nouveaux du code du travail)

Le rendez-vous de liaison concerne le salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine non-professionnelle depuis plus de 30 jours. Il se déroule entre l’employeur et le salarié, associant le service de santé au travail. L’employeur informe le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous. La rencontre peut être à l’initiative du salarié ou de l’employeur, mais dans ce dernier cas, le salarié peut refuser de s’y rendre sans encourir aucune sanction.

Ce rendez-vous a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier :

  • d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, dont celles prévues par l’article L. 323-3-1 du Code de la sécurité sociale(actions de formation professionnelle continue, actions d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil tels que l’essai encadré ou la convention de rééducation professionnelle) ;
  • de la visite de pré-reprise;
  • des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental.
  1. Modification du régime de la visite médicale de fin de carrière des salariés exposés à des risques au travail et sous surveillance renforcée (articles L.4624-1 ; L.4624-2-1 et R.4624-28-1 à R.4624-28-3 du code du travail)

Les salariés affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficient d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé donnant lieu à un examen médical d’aptitude lors de l’embauche – au lieu d’une simple visite d’information et de prévention – et à des visites périodiques au cours de la carrière professionnelle (article L.4624-1 du code du travail).

L’article L.4624-2-1 du Code du travail, issu de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, a instauré le principe d’une visite médicale de fin de carrière, pour ces salariés, avant leur départ en retraite.

Ce texte a été modifié par l’article 5 de la loi Santé du 2 août 2021 et prévoit désormais que :

– « Les travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé prévu à l’article L. 4624-2, ou qui ont bénéficié d’un tel suivi au cours de leur carrière professionnelle sont examinés par le médecin du travail au cours d’une visite médicale, dans les meilleurs délais après la cessation de leur exposition à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou, le cas échéant, avant leur départ à la retraite.

Cet examen médical vise à établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 auxquelles a été soumis le travailleur. S’il constate une exposition du travailleur à certains risques dangereux, notamment chimiques, mentionnés au a du 2° du I du même article L. 4161-1, le médecin du travail met en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale. Cette surveillance tient compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée ».

Les articles R.4628-1 à 3 du code du travail fixent les modalités d’organisation de ces visites médicales.

L’objectif poursuivi par le législateur est ainsi d’améliorer et de renforcer le suivi médical des salariés concernés, compte-tenu des potentiels effets à long terme sur leur santé des risques auxquels ils ont été exposés, en instituant, à compter du 31 mars 2022, une surveillance post-exposition ou post-professionnelle (par le biais de visites médicales post-exposition ou de visites médicales post-professionnelle).

  • Les salariés bénéficiaires de la visite médicale de l’article L. 4624-2-1 du code du travail

Sont concernés, non seulement les salariés bénéficiant ou ayant bénéficié d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé à raison des situations de l’article L. 4624-2 du code du travail, mais également ceux ayant bénéficié d’un suivi médical spécifique du fait de leur exposition à un ou plusieurs des risques mentionnés au I de l’article R. 4624-23 (amiante, plomb, agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), certains agents biologiques, les rayonnements ionisants, le risque hyperbare, le risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages) et ce avant la mise en œuvre du dispositif de suivi individuel renforcé.

  • Organisation de la visite médicale

L’employeur informe le service de prévention et de santé au travail, dès qu’il en a connaissance, de la cessation de l’exposition d’un des salariés de l’entreprise à des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité justifiant un suivi individuel renforcé, de son départ ou de sa mise à la retraite. Il avise sans délai le salarié concerné de la transmission de cette information. Si un salarié qui pense avoir droit à cette visite médicale n’a pas été avisé de la transmission de cette information par l’employeur, il peut, durant le mois précédant la date de la cessation de l’exposition ou son départ et jusqu’à six mois après la cessation de l’exposition, demander à bénéficier de cette visite directement auprès du service de prévention et de santé au travail. Il informe alors son employeur de sa démarche.

  • Rôle du service de prévention et de santé au travail

Informé de la cessation de l’exposition, du départ ou de la mise à la retraite du travailleur, le service de prévention et de santé au travail détermine, par tout moyen, si le travailleur remplit les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la visite et l’organise si c’est le cas.

Lors de la visite, le médecin du travail établit un état des lieux des expositions du salarié aux facteurs de risques professionnels en s’appuyant notamment sur les informations contenues dans le dossier médical en santé au travail du salarié, les déclarations de ce dernier et celles de ses employeurs successifs, document qu’il remettra au salarié. S’il est fait état de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ou que l’examen a fait apparaître d’autres risques professionnels, il peut alors préconiser une surveillance post-professionnelle.

À cette fin, il transmet, s’il le juge nécessaire et avec l’accord du salarié, le document et, le cas échéant, les informations complémentaires au médecin traitant. Les documents transmis sont alors assortis de préconisations et de toutes informations utiles à la prise en charge médicale ultérieure.

En conclusion : La loi du 2 août 2021 et ses décrets d’application font de la prévention le principe majeur d’action en matière de santé au travail, pour anticiper les situations difficiles et favoriser le maintien dans l’emploi des salariés atteints d’un problème de santé ou d’un handicap qui font face à des difficultés professionnelles. L’intention est louable, encore faudra-t-il voir si en pratique les personnes susceptibles notamment de bénéficier des nouveaux dispositifs mis en place, et si les acteurs concernés pour leur mise en œuvre (employeurs, services de prévention et de santé au travail…) s’en empareront véritablement.

Susana Lopes Dos Santos

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